Le Musée d’Art Moderne de Paris propose une exposition rétrospective de l'œuvre de Jean Hélion (1904-1987), peintre et intellectuel dont l’œuvre traverse le XXème siècle : Jean Hélion est l'un des pionniers de l’abstraction qu’il introduisit en Amérique dans les années 1930, avant d’évoluer vers une figuration personnelle à l’aube de la deuxième guerre mondiale.
Revenu en France après la guerre et salué dans les années 1960 par la nouvelle génération des peintres de la Figuration narrative comme Gilles Aillaud ou Eduardo Arroyo, Jean Hélion bénéficiera de son vivant de nombreuses expositions dans les galeries et les institutions françaises et internationales comme celle au MAM en 1977 et 1984-85, la dernière rétrospective ayant été présentée au Centre Pompidou en 2004. Malgré son importance et sa singularité, son œuvre reste aujourd’hui encore peu connue du public.
Organisée de manière chronologique, l'exposition Jean Hélion, La prose du monde rassemble plus de 150 œuvres (103 peintures, 50 dessins, des carnets ainsi qu’une abondante documentation), rarement présentées au public, provenant de grandes institutions françaises et internationales ainsi que de nombreuses collections privées.
Né en 1904 en Normandie, Jean Hélion s’oriente d’abord vers des études d’architecture à Paris. Après une brève expérience montmartroise en 1929, il se lie à Théo van Doesburg et Piet Mondrian, s’oriente vers l’abstraction géométrique et participe au groupe Art Concret ainsi qu’à la création du collectif Abstraction-Création qui rassemblera les meilleurs représentants de l’art abstrait entre les deux guerres. Ami de Calder, Arp et de Giacometti, il est également proche de Max Ernst, de Marcel Duchamp ou de Victor Brauner.
En 1929, il commence la rédaction des Carnets, réflexion sur la peinture qu’il poursuivra jusqu’en 1984. Jean Hélion est également proche des écrivains de son temps : Francis Ponge, Raymond Queneau, René Char, André du Bouchet... et n’a de cesse de les associer à son parcours artistique.
À partir de 1934, Jean Hélion s'installe aux États-Unis où il se lie d'amitié avec Marcel Duchamp. Il devient l'un des acteurs les plus importants de l'abstraction et une figure éminente de la vie artistique américaine, conseiller auprès de grands collectionneurs.
Pourtant dès le milieu des années 1930, ses formes s’animent, préfigurant un retour à la figure humaine. Fidèle à son intuition, Jean Hélion se détourne alors de l’abstraction en 1939 au moment où celle-ci commence à s’imposer sur la scène internationale, pour s’intéresser davantage à la figure humaine et « au réel ».
Pressentant la fragilité des choses au moment où éclate le second conflit mondial, Hélion procède alors à une reconstruction de l’image à partir de son langage abstrait : les œuvres qui en résultent présentent des scènes de rue tirées du quotidien où toute sentimentalité est absente.
Interrompant sa carrière de peintre, Hélion s’engage pendant la guerre aux côtés de l’armée française, il est fait prisonnier en 1940. Le récit de son évasion They Shall Not Have Me, publiéen 1943 et récemment traduit en français deviendra un best-seller.
De retour à Paris en 1946, marié à Pegeen Vail (fille de Peggy Guggenheim), il peine à trouversa place sur la scène parisienne. Malgré tout, il réinvente la figuration en abordant différents styles et nombreux sujets : le nu (Nu renversé, 1946), le paysage (Le Grand Brabant, 1957), la nature morte (Nature morte à la citrouille, 1946 ou Citrouillerie, 1952), l’allégorie (À rebours, 1947, Jugement dernier des choses, 1978 - 79), la peinture d’histoire (Choses vues en mai, 1969) et vue d’atelier (L’atelier, 1953 acquis récemment par le MAM avec le soutien des Amis du Musée d’Art Moderne et le Fonds du Patrimoine). Paris, la rue, les choses où se mêle le songe, sont une source d’inspiration inépuisable pour écrire sa «prose du monde».
À la fin de sa vie, perdant progressivement la vue, son œuvre entremêle volontairement les motifs qui l’ont hanté depuis toujours. Sa peinture oscille entre dérision et gravité (Le Peintre piétiné par son modèle, 1983), rêve et éblouissement heureux.
L’exposition est accompagnée d’un catalogue publié sous la direction de Sophie Krebs et Henry Claude Cousseau, commissaires de l’exposition, et préfacé par Fabrice Hergott, avec les contributions de Vincent Broqua, Pierre Brullé, Éric de Chassey, Céline Chicha-Castex, Oliver Koerner Von Gustorf, Brigitte Léal, Guitemie Maldonado, François-René Martin, Emmanuel Pernoud.